lundi 6 décembre 2010

Grâce à Léa

Je sens bien leurs regards sur moi, dans la rue. Les filles surtout, celles qui vont au lycée. Moi, j’ai arrêté l’école à 16 ans. Pas à cause du bébé, je serais partie de toute façon, l’école, je m’ennuyais. Ce bébé, y’en a qui croient que c’est un accident, que Steeve et moi, on l’a pas désiré. Ce sont des conneries tout ça. Des capotes, on en avait, des sacs entiers qu’ils nous distribuaient au collège. Mais avec Steeve, on le voulait vraiment ce bébé. D’abord pour avoir notre propre appartement, notre propre argent, et quitter la famille, ils étaient trop saoulants. Mon père et ma mère, toujours à s’engueuler, j’ai donné 16 ans, merci. Avec Steeve, on veut tout le contraire, on veut un foyer calme, plein d’amour, pour notre bébé. Une princesse comme dit Steeve, elle s’appelle Léa. On fait de notre mieux, c’est pas toujours facile car elle pleure beaucoup, et Steeve est fatigué. Il travaille tôt, il fait les mises en rayon, à l'hyper. Elle pleure tout le temps, mais moi j’sais bien que c’est pas pour nous embêter, mais des fois, c’est vrai que Steeve, il est vraiment fatigué.
Pas question de demander à ma mère de nous aider.
Et puis Steeve permettrait pas, la petite, y’a que lui et moi qui pouvons l’approcher. On n’a pas reçu beaucoup d’amour, mais avec notre p’tite Léa, on veut se rattraper. On veut tout lui donner. Tout ce qu’on n’a pas eu. Et ça fait des paquets d’amour ça. Je sais pas si c’est tellement possible mais ce qui est sûr c’est qu’on va essayer. Au centre, on y va, ils sont sympas, ils donnent des couches, c’est cher les couches, et puis des vêtements, c’est bien. Mais des fois, ils se mêlent de ce qui ne les regarde pas. Leurs conseils, on n’en veut pas, on n’en n’a pas besoin. On est quand même les parents, on sait comment s’en occuper. Léa, c’est tout ce qu’on a, alors pas question de se la faire piquer. Grâce à elle, je compte pour quelqu’un. Léa, grâce à elle, j’ai une place dans la société.

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