dimanche 26 septembre 2010

journal d'amandine dhée

2 septembre.

Je sais pas ce qui m'a pris d'accepter cette résidence.
J'y arriverai jamais. C'est un piège. Demander à quelqu'un d'écrire sur une ex-cité industrielle, ça peut être qu'un piège.
Et attention, hein, faut que les gens passent un bon moment, on n'est pas là pour les plomber.
Ils sont marrants. Je vais pas la réécrire, leur histoire. C'est quand même pas de ma faute si les gens ont passé leur vie à s'esquinter avec du métal et du coton.
Ça m'apprendra à naitre dans le nord.
Dès que je m'attaque au passé, j'entends les gros sabots des besogneux d'autrefois qui se rassemblent dans mon bureau. Ça toussote, ça renifle, ça joue les humbles. Mais je sais qu'ils partiront pas.
Ils attendent l'hommage.
A les entendre, y'a que le nord qui aurait un passé. Mais je suis pas dupe. Dans ce livre appelé Lille d'Antan, y'avait pleins d'autres titres à la fin : Strasbourg d'Antan, Marseille d'Antan, Nantes d'Antan, Lyon d'antan, et même Saint-Tropez d'Antan.
Écrire sur Saint-Tropez d'antan ça aurait quand même été plus marrant.
Plus facile si par chez nous, y'avait eu plus de Jean-Paul Belmondo et moins de mineurs de fond - plus de paillettes, moins de charbon!

1 commentaire:

  1. Madame, s’il-vous-plaît ? Vous savez quel jour on est ? Est-ce que vous savez quel jour on est ? Mardi, ah bon, encore mardi… Parce que vous savez, madame, mon mari est mort. Oui, ça fait quinze jours aujourd’hui. Vous voulez entrer un peu voir ma maison ? J’ai un très beau jardin, entrez s’il-vous-plaît, je vais vous faire visiter. Voilà, ici c’est mon salon, et vous savez, mon mari, c’était un mari très gentil. Il est mort à un mois de la retraite, c’est dommage. Il travaillait à l’usine, il n’aura pas touché une seule pension. Je suis veuve. Ca fait vingt ans qu’il est parti. Déjà. Je vous ai dit quinze jours ? Oui, ça fait quinze jours que mon mari est mort. Ah bon, je vous ai dit vingt ans ? Enfin je le sais mieux que vous, quand mon mari est mort. C’était un très gentil mari. Et il avait une bonne paye, il était contremaître. Je touche sa pension moi, depuis vingt ans. Ca fait vingt ans, voilà, ça fait vingt ans que mon mari est mort depuis quinze jours, vous comprenez ? Et à l’usine, il était fort aimé comme contremaître, parce qu’il s’adressait à tous de la même façon, il était très respecté mon mari. Quand il est mort, ils sont tous venus, ceux de Fives Cail, et ils ont dit de telles choses sur mon mari, j’en ai encore des frissons. C’était il y a quinze jours. Ou vingt ans. C’était hier, c’était il y a longtemps. Avant les grèves,quand l’usine marchait bien encore. Mais sitôt mon mari parti, les choses ont mal tourné. Il était si gentil, tout le monde l’aimait, le respectait. Si vous aviez entendu le discours qu’ils lui ont fait. J’aurais aimé que vous soyez là pour entendre les mots qu’ils ont eus pour mon mari.

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