mercredi 23 février 2011

Sur France Culture

- Je sais plus où j’ai entendu ça, « j’écris comme je bande, pas sur commande ».
- Sûrement sur France Culture !
- Mais non, je suis bête, c’est de moi ! C’est moi qui aie dit ça !
- Mais… tu bandes toi ?
- C’était pour la rime.
- Hors sujet, concentre-toi sur notre cahier des charges.
- Il est chargé en effet…
- Hyper-chargé.
- Combien de pages ?
- Plus que nous n’en écrirons jamais.
- C’est un peu le principe d’un cahier des charges. C’est comme l’art conceptuel.
- Je vois, l’explication est bien plus longue que l’œuvre elle-même.
- Cesse de digresser.
- Mais comment va-t-on s’en sortir?
- Lucien Suel s’en est bien sorti !
- Oui, mais c’était Lucien Suel.
- Nous, on est des filles, même pas connues.
- Enfin quand même, peut-être pas toi, mais moi…
- Tu parles !
- C’est pour ça qu’ils nous ont mises à deux sur un texte !
- Mais bien-sûr !
- Ils pensaient sûrement que toutes seules on s’en sortirait jamais!
- C’est honteux !
- L’équation un auteur= deux auteures me révolte.
- Appelons-le directement.
- Qui ?
- Bah, l’éditeur !
- Vas-y-toi !
- Non, toi !
- Mais tu sais bien que je n’ai pas de portable !
- Je te prête le mien !
- C’est à toi de lui parler, c’est ton idée !
- C’est notre idée !
- Bon, oublie, on va essayer d’écrire la suite…
- D’égaler Lucien Suel.
- Monsieur Lucien Suel. Argh, je m’étrangle.
- On va lui dire deux mots à ce Suel.
- Je vais revendre mon « Mort d’un jardinier » dédicacé sur eBay.
- Mets-le aussi sur le bon coin.
- Ca lui apprendra.
- Ouaip.

dimanche 23 janvier 2011

Ambition

Chez Roberto, deux stella artois

Amandine : bon, concernant la fin, je propose que tu souffres, mais avec beaucoup de dignité.
Lucie : pas question.
Amandine : tu veux mettre le feu à l’atelier, c’est ça ?
Lucie : non.
Amandine : je sais ! Tu rencontres le fils du patron qui, bouleversé par le coût humain du travail en filature, augmente les salaires et vous offre des conditions de travail décentes ?
Lucie : pas crédible.
Amandine : tu pars aux Etats-Unis d’Amérique ouvrir la première école française ?
Lucie : ta mère a raison, t’aurais du être institutrice.
Amandine : Lucie, encore une remarque de ce genre, et j’écris vingt pages sur les mœurs perverties en filature.
Lucie : pardon. En fait, j’ai bien une petite idée…Si tu veux bien, j'aimerais être la première femme à intégrer le club ratier de Lille Fives.
Amandine : Heu… T'es sure? L’éditeur risque de tiquer un peu…
Lucie : C’est pas toi qui parlais de solidarité ?

lundi 10 janvier 2011

Promenade à fives

Quand un personnage de fiction débarque dans votre salon pour revendiquer ses droits, il est grand temps de prendre la posture noble et distancée de l’Auteur.

- Allons boire une bière.

Lucie me suit dans le quartier. Elle pousse des exclamations à chaque coin de rue, et je ne parle pas de sa tenue d’ouvrière 1900 qui détonne un peu. Heureusement Fives accueille tellement de marginaux que ça passe.

Lucie : Est-ce que les gens sont plus heureux, aujourd’hui ?

Les bras m'en tombent devant la naïveté de cette question, et moi qui croyais avoir créé un personnage avec un minimum de sens commun. Voilà ce que c’est de sortir de l’école à treize ans.

- Lucie, figure-toi que nous sommes à l’ère de l’acrylique ! L'acrylique, Lucie! Une fibre textile synthétique, issue de l'extrusion granulée de polymères obtenus à partir d'hydrocarbures et d'amidon. C'est super tu verras, ça permet une meilleure évacuation de la transpiration.

Lucie : C’est à l’usine de Fives qu’ils fabriquent ça ?

- Non plutôt au Sri Lanka !

Lucie : C’est où ça ?

- Peu importe. Fives fabrique maintenant des vélos et y’a même des murs végétalisés ! Tiens regarde ! Nous voilà sur la place De Geyter !

Lucie : C’était qui Jean-Louis David ?